Cent histoires avec le parti-pris de limiter la narration à cent mots. Des histoires classées par ordre alphabétique de Acupuncture à Zébrure.

Derrière cet étrange abécédaire, un individu, souvent à la première personne mais pas exclusivement, nous parle de lui, des siens, des autres, du couple, de la famille, de l'entreprise, de la rue et du temps qui passe. C'est la vie qu'il évoque, en fragments, de façon légère parfois, voire ludique, avec un humour noir et provocateur à d'autres, avec rage ou auréolée d'émotion et de tendresse. Il convoque à ses rendez-vous fantaisistes quelques personnages célèbres, Mona Lisa (Posture), le professeur Fleming (Moisissure), Gustave Courbet (Impure) mais, au-delà du jeu, la concision n'empêche pas l'auteur de fouiller au plus profond des sentiments humains et de regarder avec acuité le monde qui l'entoure. Il sait devenir émouvant quand il aborde la fin de vie de sa mère (Souillure) ou un père incestueux (Créature). Avec certaines nouvelles, il se permet de pointer du doigt les dysfonctionnements sociaux qui amènent cinq adolescents, crânes rasés et croix gammée côté cœur, à tabasser pour se distraire un garçon de hasard (Pourriture), réduisent en esclavage l'enfant pakistanais qui a fabriqué le ballon rond noir et blanc que deux milliards d'humains regardent fascinés à l'écran (Manufacture), condamnent Momo et Guitoune à dormir sur le trottoir.

L'enfance, l'amour, la maladie, le sexe, la solitude, la mort courent comme un fil rouge de texte en texte, des personnages apparaissent, disparaissent et se croisent, donnant une vraie cohérence à l'ensemble. L'auteur use souvent de la technique de la chute inattendue (Facture, Torture, Mature, Brochure, Filature) mais sans systématisme. Il nous ballade d'une page à l'autre du registre noir (Morsure, Créature, Blessure, Apiculture, Figure) à l'exercice facétieux autour d'un mot (Ostréiculture, Froidure, Zébrure, Cure) en flirtant au passage avec la science-fiction (Progéniture), l'univers enfantin (Caricature, Armure) ou animalier (Désinvolture).

L'éditeur en quatrième de couverture explicite le titre du recueil en établissant un parallèle entre la réduction de ces histoires à cent mots et celle que les Indiens Jivaro effectuaient sur les têtes pour piéger les esprits.

Cent mots c'était trop peu pour tenter de vous donner l'envie, j'espère, de picorer au gré de votre fantaisie dans ce recueil original ou même le lire d'une seule traite, deux approches possibles et complémentaires. L'exercice était trop difficile, il m'en aura fallu pas moins de trois cents.

Le pari de départ est audacieux et l'auteur a su avec talent transformer l'exercice de style en un vrai recueil de nouvelles, riche et cohérent. Une curiosité à découvrir.

Dominique Baillon-Lalande 
(04/12/08)