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Cécile DESPRAIRIES

Paris dans la Collaboration


Dans nos promenades parisiennes, nous sommes toujours sensibles à la lecture des plaques que nous rencontrons sur les murs des immeubles de Paris, ces plaques qui nous rappellent que tel ou tel écrivain, plasticien, musicien, homme politique a vécu, travaillé ou bien est mort dans cet immeuble de la rue Mazarine par exemple, ou bien dans cet hôtel particulier de l’avenue Malesherbes. Mais il est rare de retrouver, sur ces plaques, les traces de l’occupant allemand pendant la dernière guerre. Le livre de Cécile Desprairies comble cette lacune, ou plutôt va jusqu’au bout de l’information qui nous manquait ; chaque rue, avenue, boulevard parisien est répertorié scrupuleusement pour nous indiquer qu’à tel adresse l’immeuble avait été réquisitionné pour l’hébergement des pilotes de la Luftwaffe ou celui-ci pour le domicile du lieutenant Weber responsable de la presse française.

De prime abord, en feuilletant ce livre, on découvre aisément son côté rébarbatif, il tient du Bottin, du dictionnaire et ne peut-être lu qu’en "piochant" (comme nous le conseille l’auteur), au hasard, pour rencontrer un lieu connu et connaître le visage qu’il affichait pendant l’occupation ou en allant directement à la page d’une adresse qui nous est familière. Ainsi, il est clair que j’ai commencé sa lecture en regardant à quoi ressemblaient les rues de mon cher quatorzième arrondissement pendant cette période du Paris martyrisé. Chaque adresse est précisément répertoriée : date de la réquisition, nom du propriétaire au moment de la réquisition, source de l’information, affectation du lieu par l’occupant. Certaines adresses sont parfois étayées par un témoignage que Cécile Despraires a glané dans des livres tels que : Quatre ans d’occupation de Sacha Guitry ; Journaux de guerre d’Ernest Jünger ; Paris, Hitler et moi d’Arno Breker, et d’autres de Brasillach, Cocteau, Rebatet, Céline, etc. J’ai regretté pour ma part que ces témoignages soient parfois trop succincts, quelques lignes copiées-collées dans lesquelles le nom du lieu concerné est évoqué par les auteurs cités ci-dessus, mais s’il fallait étoffer davantage, cela impliquerait la rédaction d’un tout autre ouvrage.

Si nous devions lire d’un bout à l’autre le livre de Cécile Despraires nous verrions se profiler peu à peu, numéro de rue après numéro de rue, page après page, la cartographie monstrueuse du Paris de la collaboration, tout autant que celle monstrueuse de la spoliation par l’occupant allemand des biens des juifs ou d’autres. La plupart du temps, ces immeubles, magasins, hôtels réquisitionnés furent abandonnés par leurs propriétaires fuyant le nazisme ou tout bonnement fermés pour cause de déportation. Evidement cette lecture page à page finirait par nous donner un nauséeux vertige que nous aurions du mal à maîtriser ; mais ce livre est élaboré pour faire parler les lieux au gré de notre curiosité, de la même manière que l’on chercherait dans un dictionnaire géographique à localiser un nom de ville qui nous est étranger.

On découvre aussi dans ce Paris dans la Collaboration, plusieurs photos saisissantes : un soldat allemand gardant l’entrée de l’hôtel Georges V ; le drapeau nazi flottant sur l’Arc de Triomphe face à l’avenue Friedland ; l’état major allemand toutes armes confondues à la terrasse de l’hippodrome d’Auteuil… On y trouve également plusieurs fac-similés de documents d’époque qui sont judicieusement introduits tout au long de cette promenade parisienne menée d’un pas de marche militaire.

Dans les pages consacrées au quatorzième arrondissement, j’ai lu par hasard ceci : 36 rue Friant. Pavillon (aujourd’hui disparu). Réquisition officielle le 25 mars 1943, selon les registres de l’architecte voyer en chef, disponibles aux Archives de Paris. M. Carra, propriétaire, administré par M. Guiot au moment de la réquisition. Il ne manque là qu’un peu d’imagination à la manière d’un Patrick Modiano pour écrire à partir de cette mince information tout un roman.
Le livre de Cécile Desprairies est aussi source de rêveries.

David Nahmias 
(25/05/09)    



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Lectures










Editions du Seuil

648 pages - 29 €

Préface de
Serge Klarsfeld













Cécile Desprairies a publié en octobre 2008, chez Denoël, une monographie qui recouvre la même période de la vie parisienne :

Ville lumière,
années noires

Les lieux du Paris
de la Collaboration