« – La République doit adoucir le sort de la prisonnière du Temple en la faisant visiter par une femme de confiance. Sa santé, indéniablement plus robuste que celle de son frère, l'a maintenue en vie jusqu'à présent. Ses conditions de détention sont en contradiction avec mes principes philanthropiques.
Barras, devant ses pairs et la candidate, se garda bien de donner les véritables motifs de sa soudaine sollicitude : le pouvoir pourrait un jour avoir besoin d'elle. Un renversement d'alliance, une défaite militaire, peut-être même un changement de régime, pour des Français si versatiles et imprévisibles ! Si la Convention parvenait à une paix civile et militaire, alors le député la voulait en vie, pour qu'elle devienne son principal atout politique. »

Nous sommes en juillet 1795, Robespierre a été guillotiné un an plus tôt, et il reste à la prison du Temple un membre de la famille royale, Marie-Thérèse de France, fille de Louis XVI et Marie-Antoinette, qui ne sait toujours pas que sa mère et sa tante ont aussi été guillotinées et que son petit frère est mort le 8 juin.

Le roman d’Alexandra de Broca met en scène Renée Chantereine, une femme d’origine modeste qui se voit chargée par Barras, député de la Convention, d’aller chaque jour à la prison s’occuper de la jeune prisonnière.
Marie-Thérèse a dix-sept ans. Elle est en prison depuis trois ans et n’a vu quasiment personne depuis un an. Elle vit seule, dans la peur et dans des conditions épouvantables d'hygiène, elle a presque perdu l’usage de la parole.
Après une prise de contact difficile, Renée va apprivoiser la jeune fille et améliorer son hygiène de vie. Elle doit aussi lui apprendre la mort de tous ses proches.
Puis elle rend compte à son voisin, le citoyen Robert, proche de Barras.
« – Ce soir, elle est prête à se donner la mort, à moins qu’on la laisse raconter son calvaire par la rédaction d’un mémoire réhabilitant les siens. »
La vie de Marie-Thérèse a pris de l’importance en cette nouvelle période et Barras donne son accord.

Le roman est construit en deux parties et la première nous montre Marie-Thérèse dictant à Renée les détails de sa détention au Temple depuis août 1792. C’est un récit à la fois précis et émouvant, à la première personne, entrecoupé par les conversations des deux femmes et par les allées et venues de Renée rentrant chez elle chaque soir.
Ces visites quotidiennes durent presque six mois, jusqu’à l’anniversaire de la princesse, le 19 décembre 1795, date à laquelle Marie-Thérèse est exilée vers l’Autriche.

La deuxième partie s’ouvre presque vingt ans plus tard, le 3 mai 1814, date de l’entrée de Louis XVIII à Paris. Marie-Thérèse est aussi de retour et elle envoie chercher sa confidente de la prison du Temple pour reprendre leurs conversations.
La relation reste parfois difficile entre les deux femmes. Marie-Thérèse est très amère et déteste ce peuple de Paris qui l’a terrorisée dans son enfance, qui a applaudi la décapitation de sa famille avant d’acclamer un empereur et aujourd’hui le retour de la monarchie. La princesse veut revoir Versailles mais la visite du château et notamment du Hameau de la Reine, se révèle très douloureuse…
Le roman se termine avec l’annonce du retour de Napoléon qui a quitté l’île d’Elbe, un nouvel exil pour Marie-Thérèse…*

Alexandra de Broca nous offre un très beau livre, profondément humain, conversation entre deux femmes d’âge et de milieu social très différents, donnant la parole à cette « princesse effacée » pour un récit éminemment personnel d’une période très mouvementée de notre Histoire.

Serge Cabrol 
(12/07/10)    

* Marie-Thérèse part en Angleterre pendant les Cent jours. Elle revient à Paris avec la restauration de la monarchie mais doit s’exiler à nouveau après l’abdication de son beau-père, Charles X, en 1830. C’est en Autriche qu’elle mourra en 1851, à près de 73 ans.

Éditions Robert Laffont

Alexandra de Broca,
est la scénariste de Jeanne Poisson, Marquise de Pompadour (disponible en dvd).
La princesse effacée
est son premier roman.

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