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Georges-Olivier CHÂTEAUREYNAUD
La vie nous regarde passer
Monette et Jo, la mère et le père, se rencontrent au bal. Jo sera
prisonnier en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale. Ils partiront ensuite
vivre en Algérie mais le couple divorcera.
Georges-Olivier Châteaureynaud remonte dans son passé pour le revivre
et nous dévoiler son enfance, la relation forte tissée avec sa mère,
en l'absence du père qu'il ne croisera que lors de brèves rencontres.
L'ambiguïté accompagne l'enfant, fruit d'une relation impossible.
"D'où ce paradoxe : à travers Jo qu'elle n'avait pas cessé
d'aimer et qu'elle haïssait d'être ce qu'il était, Monette qui
m'adorait m'a maudit chaque jour de mon enfance."
Il ne connaît pas toute la vérité sur ses parents. Peut-on
tout savoir ? Doit-on tout savoir ?
Au retour d'Algérie, il vivra à Marseille chez son grand-père
qui tout au long de sa jeunesse jouera un rôle important et remplacera
en partie l'image du père car il n'est pas facile de se construire lorsque
le père n'apparaît qu'en pointillé. "Sur la situation,
Jo n'eut jamais un mot d'explication, ni pour me dire que si les choses étaient
ce qu'elles étaient entre lui et Monette, elles ne devaient pas affecter
nos rapports... Le drame était qu'il ne s'en était jamais instauré
aucun entre nous. Nous nous côtoyions quelques jours en vacances, ou bien
il passait voir son père à Sainte-Geneviève, et il pouvait
se trouver que je sois là, ces rencontres ne tiraient à aucune
conséquence particulière. Nous faisions l'un et l'autre comme
si de rien n'était. A deux reprises pourtant la réserve dans laquelle
nous nous cantonnions vola en éclats."
Georges-Olivier Châteaureynaud analyse sans concession l'attitude de
son père. "S'il parla à Monette d'une chaîne d'évasion
d'officiers alliés prisonniers en Allemagne et de traversées du
Rhin à la nage, la qualité de héros de Jo demeure pour
moi incertaine. Le mensonge n'était pas étranger à sa vie.
Il peut avoir menti pour éblouir Monette."
La vie de Monette et de son fils sera ponctuée par des déménagements.
Ils connaîtront les chambres de bonne, une HLM, la pauvreté.
Nous apprenons que Georges-Olivier Châteaureynaud a eu du mal à
apprendre à lire : "J'avais fréquenté trop d'écoles,
été enseigné par trop de maîtresses et de maîtres
différents, je n'étais jamais en phase avec le gros de la classe
dans laquelle je débarquais, j'avais appris plusieurs fois B ici et A
ailleurs, et l'automatisme B-A : BA ne s'enclenchait pas dans ma cervelle".
Cela ne l'a heureusement pas empêché de devenir un grand écrivain.
Un certain Leturc lui a révélé la "clé"
pour lire : "Ce gosse se comporta à mon égard avec une
maturité, une autorité d'adulte."
Cependant, enfant, il s'est souvent senti "relégué"
de par sa pauvreté, son origine sociale complexe puisque ses parents
n'étaient pas issus du même milieu, son aversion pour les chiffres,
la couleur de ses cheveux : "Malheur au faible, haro sur toute différence.
En tant que rouquin (je devais ma rousseur à Monette, qui, elle, était
plutôt auburn) et de surcroît alors fluet et plutôt timoré,
j'étais doublement à même d'en juger. J'avais tenu dans
plusieurs cours d'école le rôle du goupil dans d'éprouvantes
chasses au renard."
Au lycée, il a rencontré des jeunes dont certains ont accompagné
sa vie d'adulte comme Hubert Haddad, lui aussi écrivain. Nous découvrons
comment peut commencer une vie d'écrivain, comment la lecture, la littérature,
l'écriture, la création, les rencontres influencent les parcours.
Ce roman nous permet de découvrir l'histoire personnelle de Georges-Olivier
Châteaureynaud et de comprendre comment il a tissé son uvre.
Nous retrouvons avec plaisir son écriture pour évoquer la réalité
où subsiste une part de mystère. Pas de fantastique comme dans
beaucoup de ses romans ou nouvelles mais une réalité qui peut-être
se recompose avec le temps.
Ce texte permet aussi toute une réflexion sur la confrontation aux souffrances
familiales, aux obstacles à franchir, aux espoirs à garder, toujours.
Réussir sa vie dépend des rencontres, de la détermination
à s'en sortir et des chances à ne pas laisser passer.
Brigitte Aubonnet
(29/04/11)
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Sommaire
Lectures
Grasset
360 pages - 18 €
G.-O. Châteaureynaud,
né en 1947, nouvelliste et romancier, prix Renaudot 1982 et Goncourt
de la Nouvelle 2005, est l'auteur d'une trentaine de livres.
Visiter le site de
G.-O. Châteaureynaud
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un entretien avec
G.-O. Chàteaureynaud
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du même auteur :
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Les intermittences
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Singe savant tabassé
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De l'autre côté d'Alice
Le corps de l'autre
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