Claude CHANAUD, Pas toutes urbaines



Après le succès de Fatoumata, Claude Chanaud récidive avec Pas toutes urbaines, un recueil de nouvelles paru au Bruit des autres.
Et là, on peut dire qu’il est assez salaud avec les critiques, le Claude ! Parce que rendre compte d’un recueil de nouvelles, surtout comme les siennes, c’est un travail herculéen, et je suis poli.

D’abord, c’est quoi, une nouvelle ? Le petit, le vraiment petit Robert, nous assure que c’est un « récit généralement bref, de construction dramatique, et présentant des personnages peu nombreux ». Il est gentil, Robert le Petit. Parce que, comme récits brefs on peut citer Boule de Suif ou même Une vie de Maupassant. Où se situe la limite entre la nouvelle longue et le roman court ? Pour simplifier les choses, les anglicistes vous rappelleront à l’ordre : les Anglais désignent par le mot « novel », un roman ! La perfide Albion nous trahit encore ? Et voilà de vieux antagonismes qui nous remontent depuis la guerre de Cent Ans !

Mais revenons à Claude Chanaud. Et ne craignons pas de « donner de ses nouvelles » qui sont excellentes. Parce que, avec Chanaud, vous évoquez Marcel Aymé. Un roi, un prince de la nouvelle. Je sais bien que Vialatte, Perret, Blondin ne sont pas loin, même s’ils pratiquent souvent un genre un peu différent. Et Michel Audiard est un parent proche, c’est sûr !

Voilà, je crois que la nouvelle, c’est peut-être avant tout une disposition de l’esprit. Un humour qui cache beaucoup de pessimisme, de désespérance. La nouvelle, à la façon de Claude Chanaud, c’est une certaine élégance devant ce qu’il faut bien appeler la douleur de vivre. C’est une ambiance, un climat, un style. Et c’est très difficile, parce qu’il faut dire beaucoup de choses essentielles sur la vie quotidienne avec un lexique forcément limité.

Claude Chanaud embellit la vie des hommes de tous les jours, il porte les événements les plus ordinaires au niveau d’une mythologie. Ses petits gestes anodins sont des Travaux d’Hercule ! Quelques exemples, sinon il m’est impossible de justifier ces remarques.

Une nouvelle ? Ce rêveur de Sébastien, (Cinéthérapie) qui « réalise dans sa tête le synopsis d’un film intimiste » pour conjurer son « grand amour ». Qui ne s’est jamais « fait un film » dans sa tête pour vivre ainsi par procuration le malheur irrémédiable de l’abandon dans la solitude absolue ? Et bien sûr, le lecteur de Raymond Queneau pensera à Loin de Rueil mais non pas à cause d’une similitude d’inspiration. A cause d’une parenté, d’une fraternité supérieure qui unit entre eux tous les lecteurs et… les auteurs.

Autre exemple : ce malheureux Julien Godinot qui présente une difformité insurmontable, il est trop grand. Sa taille le voue à un malheur définitif qui se manifeste le jour de sa première communion : « Il dépassait ses camarades d’une tête à un âge où l’on est soucieux d’uniformité ». Et le voilà seul à jamais dans ce défilé religieux, « potiche endimanchée » dit Claude Chanaud, qui ajoute que « tenu à son habituel rôle d’enfant catalogué à part, la famille, l’église et la publicité lui semblaient associées pour souligner qu’il était différent des autres ».

Je peux ajouter une autre histoire, aventure banale d’un employé des chemins de fer qui s’est aiguillé sur une voie de garage sans issue possible, et que sa légitime obligera à se faire muter sur une autre ligne, pour qu’il échappe aux charmes de Lisa, version ferroviaire de la magicienne Circé (La contingence de l’oncle Georges). Seulement voilà, si je continue, vous ne lirez pas Claude Chanaud. Je ne peux pas vous jouer ce sale tour ! Allez-y en confiance. L’ami Cabu a dessiné la couverture du livre et Le bruit des autres c’est du sérieux. Et ça ne coûte même pas cher : 17 euros. Vous êtes gâtés, veinards !

Rolland Hénault 



Retour
Sommaire
Lectures





Editions Le bruit des autres
200 pages
17 €





Le bruit des autres
15, rue J.-B. Carpeaux
87100 Limoges






Pour visiter le site
de l'éditeur :
www.lebruitdesautres.com