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Caleb CARR

L'aliéniste



Depuis Le Silence des agneaux et Seven, le personnage du serial killer est devenu une sorte de cliché littéraire et cinématographique auquel on ne peut guère échapper aujourd’hui, comme si le lecteur était devenu lui-même une proie facile, faisant les délices des auteurs de best-sellers. Dans ce domaine, le pire côtoie le meilleur, et il faut avoir parfois les yeux bien accrochés pour parvenir à bout de certains pavés où, sous couvert d’enquête, on flatte chez l’individu le goût du gore et du voyeurisme, qui sont tout le contraire d’un ancrage symbolique dans la réalité.

L’aliéniste de Caleb Carr, fort heureusement, vient déroger à cette règle. L’action se déroule en 1896 à New York et on sent que son auteur s’inscrit davantage dans la lignée d’Edgar Poe et de Conan Doyle que dans celle des fabricants de best-sellers en série. La ville est en soi un personnage à elle toute seule, avec sa corruption gangrenant ses édiles et ses bas-fonds où prolifèrent les bouges et la misère. Du reste, un rapprochement avec Victor Hugo s’impose, tant l’évocation de cette misère prend à la gorge ; et on peut se demander si, d’une façon indirecte, Caleb Carr – à travers un travail de documentation extraordinaire – ne nous parle pas de l’Amérique d’aujourd’hui, si semblable à l’ancienne, avec ses blancs plein de morgue et ses immigrés jetés sur le pavé comme de vieux chiffons. Surtout, et on s’en apercevra en avançant dans l’intrigue, il donne un éclairage assez dérangeant sur la conduite de l’armée à l’égard des tribus indiennes. Mais n’ébruitons pas tout…

L’aliéniste s’appelle Laszlo Kreizler ; c’est un psychiatre génial et qui a de la compassion pour ses malades, surtout quand ils ont envoyé leur prochain ad patres. Un crime horrible, commis sur adolescent prostitué, va le mettre sur la voie d’un serial killer qui a la sale manie d’énucléer ses victimes. Il sera aidé dans son enquête par un chroniqueur criminel, John Moore, et le préfet de New York, un certain Théodore Roosevelt. Ce qu’ils vont découvrir sur la personnalité du tueur semble condenser un certain nombre de névroses propres à l’Amérique, à commencer par son puritanisme marqué, qui n’est jamais que l’expression détournée d’une violence sous-jacente. Mais toute vérité n’est pas bonne à dire. Les crimes touchant principalement de jeunes immigrés, les édiles vont tout faire pour étouffer l’affaire, craignant des émeutes, craignant surtout de voir leur belle façade de respectabilité réduite à néant par un des leurs, enfant de la Bible et de la guerre de Sécession…

Publié la première fois en 1996, L’aliéniste est un roman qui ne se démode pas. Comme l’Amérique dont il parle si bien. Mais, comme chacun sait, les vieux mythes sont éternels…

Pascal Hérault 
(04/04/09)    

Pour visiter le blog de Pascal Hérault : http://pascalherault.blogspot.com



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Noir & polar










Editions Pocket

574 pages - 7,30 €


Traduit de l'américain
par René BALDY
et
Jacques MARTINACHE





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