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C'est bizarre comme situation. Voilà la question que se pose Philippe en s'asseyant dans le train à côté de Cécile. C'était la dernière place libre, à moins de faire Troyes-Paris debout. Philippe et Cécile ont la cinquantaine et ils ne se sont pas revus depuis vingt-sept ans, depuis une courte aventure qui s'est terminée pendant un week-end à Londres. Ce qui s'est passé à Londres, on ne l'apprendra que plus tard.
Dès le début, on comprend que ce week-end a été
décisif mais un suspense est entretenu sur ce qui a pu provoquer cette
haine que Cécile ressent lorsqu'elle reconnaît Philippe. Contrairement
à la haine pure qu'elle a ressentie après Londres (Une sensation
vorace en moi, comme je n'en avais jamais connu. L'envie de déchiqueter.),
la haine d'aujourd'hui est troublée par de la compassion en voyant ce
que Philippe est devenu. Il est méconnaissable. Vieux d'abord. Ridé.
Le ventre proéminent Une espèce de barbe. Le genre d'homme envers
lequel la première chose qu'on ressent, c'est de la pitié. En chapitres alternés, on découvre les pensées de chacun, ce qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre à vingt ans, ce qu'ils sont devenus depuis, leurs conjoints, leurs enfants, leurs parcours professionnels Une écriture croisée qui permet de comprendre ce qu'ils pensent de l'autre mais aussi d'eux-mêmes. Jean-Philippe Blondel met en lumière, par petites touches, toutes les raisons qui ont motivé les comportements de ses personnages aux différentes périodes de leur vie. On voit toute une palette de sentiments et de manières d'être. Les désirs, les regrets, la lassitude, la combativité, la haine, la lâcheté On voit aussi pour ces deux quinquagénaires les rapports qu'ils ont établis avec leurs parents, leurs conjoints et leurs enfants, autant de relations qui évoluent avec le temps. Comme toujours chez Jean-Philippe Blondel, l'écriture est précise,
claire, vive, directe, mêlant humour et émotion, multipliant les
détails au fil de l'introspection des personnages, entraînant la
curiosité du lecteur de page en page. Si, pour Stendhal, un roman est un miroir qu'on promène le long d'un
chemin, le miroir de Jean-Philippe Blondel se promène parmi la foule,
parmi nous, jouant avec le reflet de l'un ou de l'autre, mêlant les expressions
de l'un avec les attitudes de l'autre. Philippe et Cécile, c'est un peu
chacun de nous, on retrouve chez l'un ou chez l'autre des traits de caractère,
des réflexions, des manières d'être, des situations, qui
nous sont très familiers. D'autres nous surprennent ou nous rappellent
des proches. Chacun des personnages, peu à peu, se découvre, se
dévoile, se révèle, pour montrer cet homme nu dont parlait
Simenon, qui se dissimule sous les conventions et les règles sociales,
cet homme nu qui nous renvoie à nous-mêmes si nous acceptons de
participer, intérieurement, comme Cécile et Philippe, au jeu de
la vérité. Serge Cabrol |
Sommaire Lectures Buchet-Chastel (Janvier 2013) 240 pages - 15 €
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