Le titre du recueil m’a rappelé, dans une sorte d’opposition qui voulait s’inscrire en moi, un autre recueil de Mathieu Bénézet, paru chez Flammarion, il y a plusieurs années : Ceci est mon corps. Ce précédent recueil parlait surtout de poésie, de ce corps qui habite Mathieu Bénézet et qu’il habite. Aujourd’hui, quel est ce corps qu’il n’a pas ? Cela pourrait bien être le même : celui de la poésie. Car comme il le dit en page 28 :

« Tout est cassé on est sûr la crise est là la guerre était là l’eau la guerre la nuit étaient là on buvait dans le noir trois mots suffisaient à faire beaucoup souffrir dans le théâtre tout est cassé la crise est là je ne sais pas je ne sais pas où nous sommes tout est cassé tu me touches tu me tues est-ce que tu peux m’expliquer je comprendrai je comprendrai est-ce que je peux toucher quelque chose avec tes mains touche. Touche. » « Pourquoi ce Corps que je n’ai pas. »

L’écriture de Mathieu Bénézet est nourrie de la douleur. Je brûle d’une vérité qui m’unit / au Vide. Ne m’épargne pas. L’écriture est un refuge qui apaise mais ne soigne pas. On y retrouve telle une structure duale : résistance à l’écriture et réflexion sur cette parole qui continue à dérouler son pourquoi. Mathieu Bénézet nous entraîne dans un tourbillon qui nous laisse fasciné par ce mouvement. Dans un entretien pour remue.net, Mathieu Bénézet disait : Je vis avec Mathieu Bénézet, je ne suis pas Mathieu Bénézet. Je fais ce que je veux et lui fait ce qu’il fait. C’est plutôt lui qui décide que moi.

Ce recueil qui se compose de deux chapitres est d’une force et d’une sensibilité étonnantes et les dessins de Philippe Hélénon, ne font que renforcer cette sensation. Une fois commencé, je n’ai pas pu me défaire de la poésie de ce recueil. Le livre refermé, elle continue à travailler en moi, m’entraînant dans son mouvement.

Gilbert Desmée 
(24/01/10)