Orage sur Ré la blanche est bien un roman noir, comme la guerre, comme la honte, comme le mensonge, mais c'est aussi un roman lumineux, roman d'amour et d'amitié, lumineux comme le ciel de l'île de Ré après l'orage.

L'histoire commence en août 1944. Roland Bletton, réformé en raison de son pied bot travaille à la maintenance d'un relais de transmission avec Viktor Müller, un soldat allemand qui a perdu femme et enfant et noie son chagrin dans la bière et le vin.
Quelle n'est pas la surprise pour Roland d'assister au mitraillage d'un véhicule allemand par Matthias Lormier, un homme qu'il connaît depuis l'enfance, un brutal, un violent qui le martyrisait et dont Roland était le souffre douleur.
Ce jour-là, Matthias Lormier récupère dans le véhicule allemand la paye de l'équipage des sept sous-marins et des trois cents techniciens attachés à la base sous-marine ainsi que les lingots d'or que le civil assis à côté d'Anton Kolbhen escomptait emmener avec lui en Amérique du Sud avant que le régime nazi ne soit totalement anéanti.

En remettant la paie des militaires allemands (tout en conservant les lingots d'or) à un réseau patriote, le collaborateur-truand Matthias Lormier devient un héros de la Résistance. Il peut alors en toute légalité donner libre cours à sa violence pendant l'épuration.
Robert Béné rappelle que les épurateurs se sont parfois contentés d'une justice immédiate et sommaire. « Dans l'ivresse de cette liberté enfin retrouvée, bien souvent leur exaltation aveuglait la sérénité de leur jugement. C'est ainsi qu'on les voyait condamner de pauvres filles qui, à l'âge où le cœur et le corps s'enflamment au simple contact d'un regard, avaient eu la faiblesse d'aimer des garçons sans se soucier qu'ils fussent nés de l'autre côté du Rhin. Par contre, on voyait aussi de hauts fonctionnaires qui avaient, pendant cinq ans, obéi servilement aux ordres de Pétain, se retrouver à nouveau à la tête des grands services de l'État, en toute impunité. »
Matthias Lormier, voyou de la première heure et résistant de la dernière, va même devenir député !

Après une centaine de pages, on fait un bond de vingt ans pour assister, en 1965, au cours d'histoire de Jérôme Lormier à l'université de Poitiers.
Jérôme est le fils du député Lormier qui meurt d'un cancer dans une clinique de luxe.
Avec la mort de son père, le jeune professeur se trouve entraîné dans un orage d'une rare violence auquel la vie douce qu'il a connue en Suisse depuis son enfance ne l'a pas préparé. Les rencontres et les révélations lui font brutalement découvrir que son père n'était peut-être pas le héros qu'il a toujours admiré. Les aventures et les rebondissements se succèdent alors à un rythme effréné et le lecteur est tenu en haleine jusqu'aux dernière pages.

Roman noir, roman historique, roman d'aventures, roman d'amour, cet Orage sur Ré la blanche se lit avec beaucoup de plaisir et donne envie de découvrir les autres ouvrages du même auteur.

Robert Béné a écrit une quinzaine de livres dont dix font allusion à Ré la blanche dans leur titre, c'est dire si cet ancien marin rétais est attaché à son île où vit sa famille depuis douze générations.

Serge Cabrol