Henry BAUCHAU

L'enfant bleu




Dans ce roman, Bauchau décrit la longue thérapie qui va mener Orion, jeune adolescent psychotique et Véronique, sa thérapeute sur les chemins de l’art. Mais la route est longue.
Il faudra d’abord qu’Orion mette en mots ses démons – ce qu’il appelle ses dictées d’angoisse – ou qu’il les dessine pour qu’ils sortent de sa tête.
Orion a ses propres mots pour raconter ses délires et des images poétiques d’une grande beauté :
« on était malheuréfié ! » « ce sera le grand bagarrement » « l’enfant bleu il nous marquait aussi à sa façon, sans mordre, sans faire mal, sans mots volcans qui gueulent »
« le démon me crie: saute ! saute ! fais du bazarbouillis partout. Casse, casse ! »
« c’est quoi l’inconscient ? ce qui bouillonne et bazardifie dans la tête ? Maman et Jasmine elles disent qu’on ne doit pas regarder là ; que toi tu tripotises souvent dans ma tête et que ce n’est pas sûr que ça serve, puisqu’on est toujours malade. »


Véronique écoute Orion, elle l’apaise, elle recueille paroles et dessins. Elle l’aide à devenir plus fort que les démons. Elle se sent responsable de l’échec ou de la réussite du pari sur l’avenir fait par le médecin : les médicaments ayant peu de prises sur son délire il ne reste que la psychothérapie.
Véronique dit :
- « Si je nie son délire, qu’est-ce que je fais auprès de lui ? Au jour le jour, on travaille. Très pauvrement, je sais, mais on avance (…) A tout petits pas, avec parfois des bonds en avant et parfois des bonds en arrière.
Le médecin :
- A très grands pas et j’ai peine à suivre. Et parfois c’est l’ouragan et je suis emportée. Quand on est dans les petits pas, j’écoute, j’enseigne, je patiente. Mais dans les grands pas, dans la bourrasque, c’est plutôt lui qui guide et nous sommes dans les mots déchaînés, tous les deux.
- Dans les grands pas, vous et lui, vous êtes un pluriel. »

« Le malheur d’Orion je dois le vivre avec lui, je n’ai pas à le guider, pas à espérer qu’il devienne ceci ou cela. C’est son affaire. Ah que c’est difficile ! Je suis une petite machine à espérer… »


La vulnérabilité du thérapeute devient sa force dans cette longue psychanalyse où il faut supporter les régressions, l’extrême lenteur des progrès.
Véronique pousse Orion à créer et à se reconnaître dans une identité d’artiste. En même temps, elle va retrouver son espace de créateur pour mettre en poème la beauté des mots et des images d’Orion. A force de donner d’elle-même (par sa patience, par sa tolérance au délire, par la confiance qu’elle fait à Orion) elle va recevoir le talent, l’imagination, la créativité et les progrès d’Orion comme un immense cadeau.

Nadine Dutier 





Retour
Sommaire
Lectures









Editions Actes Sud
430 pages
21,90 €







Vous pouvez lire
sur notre site
un article concernant
un autre livre
du même auteur :

Le boulevard périphérique