Françoise ASCAL

Si seulement, Perdre trace,
Cendres vives, Le carré du ciel & Issues



Deux parutions poétiques de Françoise Ascal, dont nous avions présenté le parcours littéraire dans le numéro 11 de la revue Encres Vagabondes, ont vu le jour en juin 2008 au moment du Marché de la poésie.
Si seulement, un recueil de poèmes où les mots témoignent de l’obscur et de la lumière, des frissons et des émois, de la peau transparente en voie d’effacement, des songes, du silence, du lien avec nos morts :

« sous le front des vivants
les morts palpitent

sont-ils plus nombreux
d’un pôle à l’autre
que géantes rouges
et naines blanches
effondrées
dans la fosse du ciel ? 
»

En alternance avec les poèmes, des dessins d’Alexandre Hollan, « Têtes en méditation » réalisés entre 2003 et 2007, représentent des visages : masques de vivants, masques de morts ? Y a-t-il un signe distinctif dans la réflexion de ces têtes où la sérénité côtoie la douleur, où les ombres et la lumière rendent floue la frontière entre le monde des vivants et celui des morts.
Les poèmes ont été écrits par Françoise Ascal, entre 2005 et 2007, suite à sa visite de l’atelier d’Alexandre Hollan.
Leur collaboration artistique a été très fructueuse en donnant naissance à un ouvrage qui explore les profondeurs de l’être humain.

Perdre trace est un très beau livre objet résultant aussi d’une collaboration entre deux artistes. Le livre se déplie sur les poèmes de Françoise Ascal et cinq reproductions de peintures d’Alain Boullet.

Les mots jouent sur le papier pour créer l’émotion :
« La rose trémière
hisse sa pourpre
à la fenêtre
sans me voir entre nous
la distance d’un regard

entre nous

l’infini 
»

Les couleurs et le mouvement insufflé dans les peintures régalent nos yeux.
L’harmonie entre l’écrit et la peinture est très réussie pour cheminer avec bonheur dans Perdre trace.

En 2006, Françoise Ascal a aussi publié deux ouvrages.
Cendres vives suivi de Le carré du ciel deux carnets de route regroupant des réflexions notées entre 1980 et 1996. Les textes de Cendres vives sont parfois très durs quand ils relatent les souffrances de jeunes gens et de jeunes filles meurtris par la maladie ou par un accident. Abandonnés parfois des leurs, blessés par la vie, privés de leur intégrité, ils n’ont guère d’espoir même si certains luttent à leur manière pour oublier l’atroce réalité. S’occuper d’eux comme l’a fait Françoise Ascal pendant des années est une confrontation à la douleur et à la mort qui renvoie aux hantises que nous connaissons tous.
« Exténuée
Dormir.
Déposer les armes.

Le monde en hémorragie.
Moi en hémorragie.
Toujours et toujours des fuites.
Toujours et toujours l’envie de poser des garrots, de colmater.
Inutile combat. 
»

Le carré du ciel est aussi le lieu de l’écriture :
« On voudrait parfois écrire avec un couteau. On voudrait se trancher les veines, non pour mourir, mais pour qu’enfin coule le sang des mots, l’encre du corps trop longtemps retenue en soi et dont seul un geste violent pourrait libérer le flux. » Les commentaires sur ses lectures, les expositions et les musées qu’elle a vus comme le Musée de l’Art brut de Lausanne, les références littéraires et musicales émaillent les textes mais les jeunes en souffrance hantent toujours Françoise Ascal. Parfois la maladie est la seule issue pour eux : « Et ce paradoxe, maintes fois observé : la maladie transmuée en "chance", l’occasion unique d’échapper à l’emprise de traditions archaïques, à l’asphyxie familiale ; l’accès inespéré à d’autres modes de pensées, à travers d’autres interlocuteurs. »

Ces textes sont tous poignants, terribles de réalité douloureuse.

En 2006, Françoise Ascal a aussi publié Issues, un recueil de nouvelles qui sont des tranches de vie très courtes où la poésie du quotidien côtoie la souffrance. Le moindre instant de bonheur est à déceler et à déguster. L’écriture poétique de Françoise Ascal se retrouve dans ses textes. Elle est intégrée en elle pour exprimer le rapport à la nature, aux autres. Elle est à l’écoute de tous ces êtres qui attendent la mort et n’intéressent personne dans un monde où seule la rentabilité compte. Un sourire, une main caressée, des paroles ou des silences partagés, une oreille attentive à ceux que tout le monde fuit, voilà ce que nous offre Françoise Ascal dans la générosité et l’amplitude de sa poésie et de sa prose. Le bonheur n’est pas facile à trouver surtout pour certaines comme cette femme mariée par son père à un homme qui la bat et la jette un jour du cinquième étage. Après une période de coma, elle se retrouve dans un fauteuil roulant. Elle obtient son divorce et pour la première fois de sa vie se sent enfin libre.

Dans ces quatre très beaux ouvrages, Françoise Ascal donne la parole à ceux qui ne l’ont guère car ils ont du mal à exister.

Brigitte Aubonnet 
(19/08/07)    



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