Marie-Noël ARRAS

Entière
ou La réparation de l'excision


Un sujet d’actualité, l’excision, depuis 27 siècles…
que des sexes féminins sont mutilés, blessés, amputés ? Oui, répond Marie-Noël Arras dans Entière ou La réparation de l’excision, un essai bouleversant sur l’un des plus anciens actes de barbarie qui se perpétue clandestinement (en dépit de la législation ) dans des pays africains en grande majorité sub-sahariens… et à nos portes : soixante mille fillettes sont soit excisées soit menacées de l’être en France !

On assiste, enfin ! et depuis quelques décennies « à un mouvement de refus des femmes victimes de la tradition » ; celles-ci sont en majorité soutenues par des associations, encore trop rares semble-t-il, et par le combat titanesque que mènent le Docteur Foldes et son équipe. Une intervention chirurgicale permet, en effet, de rendre leur intégrité aux femmes qui souffrent de « blessures physiques bien sûr mais aussi de blessures psychiques » profondes.

Deux constats sur l’excision : le premier concerne des chiffres tout simplement hallucinants (environ 120 millions de femmes excisées dans le monde versus 2.500 femmes opérées ; 27 siècles de pratique versus quelques décennies d’une prise de conscience à peine amorcée et bien tardive) ; et le second sur le témoignage de Mahoua Kone qui raconte comment sa mère l’a conduite, alors qu’elle avait huit ans, dans un enclos où un couteau minuscule, « tout noir pour avoir servi de longues années », un couteau qui « (…) violait mon intimité, volait sans retenue toute ma vie et m’enlevait le plus précieux de moi, mon enfance, ma chair, tout… », commit l’ « irréparable »… avant que Mahoua ne décide de se faire opérer en 2006.

Après la préface du docteur Pierre Foldes, très justement intitulée « … Ecouter et tendre la main », l’auteur laisse la paroles aux principaux acteurs de cette restauration, mot que le Dr Michèle Wilisch, anesthésiste, préfère à celui de réparation car il « évite la notion de cassé ». C’est ainsi qu’intervient la sexologue F. Hédon, car si « … le corps est réparé par le chirurgien, (…) le schéma corporel (la façon dont le corps est vécu) ne l’est pas encore. » et des prises en charge psychologique comme sexologique s’avèrent nécessaires au bon déroulement du processus de récupération. Une deuxième partie, « En savoir plus », donne les réponses à toutes les questions que l’on peut se poser : pourquoi ? où ? combien ? en quoi consiste l’opération ? etc. Seul le thème de la prévention est peu abordé mais il se trouve hors sujet d’un livre consacré à la réparation et au-delà, on peut supputer qu’en faisant connaître au plus grand nombre cet immense espoir de redevenir « entière », on participe à une forme de prévention.

En 1975, rappelons-le, B. Groult lançait la première protestation publique contre l’excision dans son essai Ainsi soit-elle. Aujourd’hui, Marie-Noël Arras livre un ouvrage essentiel, qui traite de la réparation d’un crime sur lequel elle se penche avec une grande retenue, beaucoup de pudeur. Elle ne s’autorise aucun jugement, aucun parti pris, et fait sans doute la meilleure « démonstration », c’est-à-dire qu’elle choisit de « montrer » en observatrice impartiale. Pourquoi cette démarche ? A cause d’une empathie déjà ancienne pour les femmes excisées (en 2001, elle écrivait une nouvelle, Loundja, que l’on trouvera à la fin de l’ouvrage), mais aussi pour apporter sa « part du colibri ». Cette expression vient d’une légende amérindienne qui vaut la peine d’être découverte car, comme ce colibri qui allait chercher quelques gouttes d’eau dans son bec pour les jeter sur l’immense incendie de la forêt, il est urgent que les uns et les autres, nous nous élevions contre cette pratique barbare… En d’autres mots, que nous apportions nos « parts de colibris » à cette cause trop longtemps méconnue pour la plus grande douleur d’environ 120 millions de femmes : « Entre 100 et 140 millions de femmes vivantes, à ce jour, ont subi une forme quelconque de mutilation/excision dans le monde. » (Source : OMS)

Dominique Godfard 
(13/06/08)    



Retour
Sommaire
Lectures







Cliquer pour agrandir l'image

Chèvre Feuille Étoilée
100 pages - 5 €








Marie-Noël Arras,
enseignante et lectrice à haute voix, est actuellement directrice de publication aux éditions Chèvre-feuille étoilée où elle anime la collection L'écharpe d'Iris et co-rédactrice en chef de la revue Etoiles d'Encre. Elle se partage entre Sidi-Bel-Abbès et Montpellier.