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Avec Le juste milieu, Annabel Lyon réussit un roman original et
attachant dont Aristote est le narrateur, nous permettant de partager intimement
les pensées du philosophe, ses désirs, ses tourments, ses enthousiasmes,
ses curiosités et ses interrogations
Nous sommes en 342 avant J.-C., Aristote a 42 ans et rentre à Athènes
après un voyage à Atarnée où il a épousé
Pythias à qui il a offert un présent peu ordinaire : Avant
notre mariage, je l'ai couverte de cadeaux précieux : moutons, bijoux,
parfums, poteries, vêtements luxueux. Je lui ai appris à lire et
à écrire, car j'étais follement épris et voulais
lui offrir ce présent auquel aucun amant n'avait encore pensé. L'essentiel du roman se situe dans cette ville où règne Philippe
II de Macédoine, un ami d'enfance du philosophe : le père d'Aristote
était le médecin du roi Amyntas III, père de Philippe.
Aristote n'aime guère les murs macédoniennes (qu'il trouve
barbares) mais il va pourtant séjourner à Pella plus longtemps
qu'il ne le prévoyait. Le roi Philippe II a deux fils. Philippe II demande à Aristote d'être le précepteur d'Alexandre.
Nous sourions parfois aux exposés scientifiques d'Aristote, par exemple
sur l'univers (Je lui parle des sphères concentriques qui composent
l'univers : au centre la Terre, la Lune dans la sphère la plus proche,
puis les planètes et enfin, dans la sphère la plus éloignée,
les étoiles fixes. Combien y a-t-il de sphères ? interroge
Alexandre. Quarante-cinq. Les mathématiques l'exigent.), ou
à ses réflexions sur la sexualité (Mon père m'a
expliqué un jour que le sperme de l'homme était une puissante
distillation de tous les fluides contenus dans le corps, et que quand ces fluides
se réchauffent et s'agitent, ils produisent de l'écume, comme
le bouillon ou l'eau de mer. Le fluide, ou l'écume, passe du cerveau
à la colonne vertébrale et, de là, il s'écoule dans
les veines longeant les reins, puis, via les testicules, dans le pénis.
Dans l'utérus, la sécrétion de l'homme et celle de la femme
se mélangent. Dans ce processus, l'homme éprouve du plaisir, mais
la femme, aucun. Néanmoins, il est sain pour une femme d'avoir des rapports
réguliers, afin de préserver l'humidité de l'utérus
et de réchauffer le sang.) Mais sur ce point délicat du plaisir
féminin, toujours ouvert à l'observation et à la recherche,
il sera amené à réviser son jugement
En chapitres alternés, nous retrouvons Aristote enfant, lorsqu'il accompagnait
son père dans ses visites à domicile, autant d'occasions d'affiner
ses observations et ses connaissances anatomiques, pharmaceutiques et médicales
; puis, un peu plus tard, pendant ses trois années de formation auprès
d'Illaeus, un vieux précepteur lettré et libidineux qui avait
bien connu Platon ; et aussi jeune homme à l'Académie d'Athènes
(déjà sensible au charme des jeunes femmes), brillant étudiant
remarqué à son tour par Platon. Moi aussi, je voulais qu'il
m'aime plus que tous les autres, déjà, et je devinais que la meilleure
façon d'y parvenir, c'était de s'opposer à lui. Des flagorneurs,
il en avait suffisamment dans la salle d'à côté. Il a dit
qu'il croyait en la perfection ; j'ai répondu que je croyais au compromis.
La perfection était un extrême, et j'avais besoin d'éviter
les extrêmes, sans doute parce que j'étais trop enclin à
y sombrer. Ni essai, ni biographie, mais véritable roman à la croisée
de ces genres, ce livre est aussi intéressant qu'amusant, parfois très
émouvant, un peu frustrant par tous les thèmes évoqués,
et on en sort curieux d'en savoir plus sur Aristote, Platon, Alexandre le Grand
et le quotidien de la Grèce antique. Un agréable moment de lecture
et un tremplin vers d'autres approfondissements. Une belle réussite qui
a été très appréciée (et primée) au
Canada, en Grande-Bretagne ou en Irlande et se vend déjà dans
une vingtaine de pays. Serge Cabrol |
Sommaire Lectures La Table Ronde Quai Voltaire 336 pages - 21 € Traduit de l'anglais (Canada) par David Fauquemberg
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