Quelques pistes de lectures


Plumes d'aujourd'hui pour histoires d'hier




Arturo Perez-Reverte

Paru en 1993, Club Dumas a connu un succès considérable et a été librement adapté au cinéma par Roman Polanski sous le titre La neuvième porte. Lucas Corso, chercheur de livres rares pour collectionneurs fortunés est chargé d'authentifier deux manuscrits : l'un d'eux n’est autre que le chapitre des Trois Mousquetaires intitulé "Le vin d'Anjou". L'autre livre "Les Neufs Portes" est un ouvrage satanique qui a valu à son éditeur de finir sur le bûcher. Quel rapport y a-t-il entre les deux ? Pour répondre à cette question, Corso devra suivre la piste de bibliophiles, collectionneurs, libraires, restaurateurs ou faussaires, à Tolède, chez les bouquinistes parisiens ou au bord de la Loire, talonné par d’étranges sosies de Milady et de Rochefort. Une piste jonchée de cadavres et sur laquelle il croise un peu trop souvent une mystérieuse jeune fille à l’étrange regard vert. Même si l’on peut trouver la référence dumasienne un peu pesante, ce roman passionne grâce à une intrigue à clés mêlant habilement réalisme du décor, enquête policière et surnaturel.
Arturo Perez-Reverte, Club Dumas, Livre de Poche.

En 1868, dans une Espagne secouée par de graves troubles politiques, le maître d’escrime Don Jaime Astarloa assiste à la lente disparition de son art et des valeurs auxquelles il a été fidèle toute son existence. A près de soixante ans, il continue à se comporter selon l’ancien code de l’honneur défendu à la pointe du fleuret, indifférent aux révoltes populaires ou aux intrigues de palais. Lorsqu’il n’enseigne pas l’escrime dans la salle d’armes, Jaime rédige un traité qui est l’aboutissement du rêve de toute une vie, la botte parfaite et imparable. Rien a priori ne peut troubler cette existence monacale. Un nouvel élève va pourtant semer la discorde dans le cœur et la tête de Jaime d’autant qu’il s’agit d’une superbe femme de trente ans, brillante escrimeuse de surcroît, qui va tenter de percer les secrets du vieux maître. Publié en 1988 en Espagne et en 1994 en France suite aux succès du Tableau du maître flamand et de Club Dumas, ce roman d’une remarquable rigueur se déroule selon les règles d’un duel.
Arturo Perez-Reverte, Le maître d’escrime, Points-Seuil.



Frédéric H. Fajardie

Frédéric H. Fajardie, avec une cinquantaine de livres publiés, nous avait plutôt habitués au polar. Toutefois, plusieurs romans ou nouvelles étaient déjà situés dans le passé, qu’il s’agisse de la Guerre d’Espagne ou de la Seconde Guerre Mondiale. Avec Les Foulards Rouges, il est remonté jusqu’à la Fronde (1648-1653), cette période troublée qui a suivi la mort de Louis XIII. Louis XIV a une dizaine d’années et le cardinal Mazarin se heurte aux ambitions des princes qui essaient de prendre le pouvoir par les armes. Heureusement, le cardinal et l’enfant-roi vont pouvoir compter sur un nouveau d’Artagnan : Loup de Pomone, Comte de Nissac. Mais l’un des princes est aussi un écorcheur de femmes. Le roman d’aventures devient thriller et Nissac trouve un indéfectible soutien auprès de Galand, le chef de la police. Avec ses fidèles amis, les Foulards Rouges, Nissac saura mettre de l’ordre dans tout ce désordre. Même si, avec Galand, il rêve d’un autre système. « Le gouvernement des hommes par les hommes, le droit contre la force, la justice contre l’arbitraire, la liberté contre la servitude… La république contre la monarchie, les idées nouvelles contre le féodalisme ». Vision prémonitoire 140 ans avant la Révolution…

Dans le deuxième volume, Le voleur de vent, nous remontons plus loin encore dans le temps, jusqu’en 1610, année tragique pour Henri IV qui est assassiné le 14 mai. Ravaillac est-il le seul coupable ? Est-ce le fruit d’un complot ? Qui a commandité le crime ? Pour répondre à ces questions nous allons pouvoir compter sur Thomas de Pomone, comte de Nissac lui aussi, et pour cause puisqu’il est le père du héros des Foulards rouges. Thomas de Pomone est amiral de la Marine Royale, commandant un navire de guerre nommé le Dragon Vert. Virtuose dans l’art de prendre le vent pendant ses combats navals au grand dam de ses ennemis , il a été surnommé le Voleur de vent. Le roman s’apparente aux aventures maritimes avec corsaires et pirates, mais Nissac père sait aussi merveilleusement manier l’épée et nous le prouve dans ses duels contre le colonel Sotomayor ou le colonel Jehan de Bayerlin. Proche de la perfection, comme tous les grands héros, il caracole aussi comme un dieu, capable de battre, avec un cheval aveugle, les meilleurs cavaliers espagnols ! Les femmes ne manquent pas dans ce roman mais c’est Isabelle de Guinzan qui l’emporte sur ses rivales, devient comtesse de Nissac et donne naissance au petit Loup du roman précédent. Elle aussi manie très bien l’épée, le poignard ou le pistolet. Des personnages plus exotiques nous accompagnent dans cette aventure : le seigneur Chikamatsu Yasatsuna, samouraï maniant le sabre et l’arc, adorant le poisson cru ou encore le moine Vittorio Aldomontano et ses loups-garous aussi cruels qu’humains nommés Bleu, Jaune, Vert et Rouge.
Une petite phrase de l’épilogue laisse entendre qu’un Nissac s’est aussi fait remarquer en 1780, « lors d’une étourdissante aventure qu’il faudra peut-être vous narrer quelques jours prochain… » Cela pourrait laisser présager un troisième volume...
Frédéric H. Fajardie, Les Foulards Rouges, Jean-Claude Lattès ?, Livre de poche
Le voleur de vent, Jean-Claude Lattès 2003


Philippe Bouin

Ce n’est pas Philippe Bouin qui nous narre ces « fantastiques enquêtes », mais un oratorien de soixante-quinze ans, le Père Grégoire, décidé en 1716 à prendre la plume pour rompre le silence sur les aventures vécues par Dieudonné Danglet quarante ans plus tôt, en 1667 et 1668, sous le règne de Louis XIV.
Ce jeune homme est un enfant trouvé, confié aux soins des oratoriens de Vendôme. « Il manifesta des dons remarquables pour les sciences, surprenant ses maîtres par la pertinence de ses observations et la justesse de ses déductions. Il fut rude aussi dans les exercices du corps ; notre cursus inclut l'art de l'escrime, il y excella. » Passionné par Descartes, il raisonne et déduit en préfigurant les talents d’un Sherlock Holmes ou d’un Hercule Poirot.
Mais Danglet a un puissant protecteur et d’étranges alliés. Ses alliés, ce sont les gueux de la cour des miracles et plus particulièrement, Atlas le nain, Fleur la femme qui aime les femmes, Charonne, Saint-Gris, La Grenouille… Conan Doyle fraternise avec Eugène Sue.
Le protecteur, et aussi l’employeur, c’est Nicolas de La Reynie, lieutenant de police de Paris par la grâce du roi, qui a vite remarqué les qualités du jeune homme. Comme Dieudonné s’était enfui de l’école de Vendôme, à dix-huit ans, avec cent livres (sonnantes et trébuchantes) volées dans la caisse, La Reynie est allé arranger cette histoire : « C'est ainsi qu'il fut convenu de proposer un contrat moral au sieur Danglet : tant qu'il servirait honnêtement monsieur de La Reynie, l'Oratoire tairait sa plainte. On lui donnait ainsi une chance de repartir du bon pied, mais sous ma constante surveillance. Ainsi fut dit, ainsi fut fait, dans un secret bien gardé. Voilà donc comment Dieudonné Danglet entra par la petite porte de la grande histoire de la criminalité, de l'espionnage et des affaires d'État, et comment je devins son confident et le témoin des dizaines de mystères qu'il résolut, de l'affaire « des croix de paille » à « la guerre des libelles » en passant par celle de « la peste blonde », sans oublier la plus effroyable de toutes, l'affaire des Poisons ! Toutes méritent d'être connues, je les raconterai. »
Pour l’instant, trois aventures ont été publiées.
Dans Les croix de paille, les dévots veulent frapper un coup de maître contre les turpitudes du régime. Les comploteurs communiquent par messages secrets. Qui sera la victime de leur attentat ? Molière, Racine, La Fontaine ? Heureusement, Dieudonné Danglet mène l’enquête. Sans lui, quelques grandes œuvres auraient manqué à la littérature française…
Dans La peste blonde, c’est la déstabilisation du régime qui est recherchée en introduisant la peste dans Paris au moyen de perruques empoisonnées. Mais Dieudonné Danglet prend tous les risques pour déjouer l’ignoble complot…
Dans L'enfant au masque, le romancier nous entraîne sur les traces du Masque de Fer. En juin 1669, Dieudonné Danglet et sa troupe de gueux sauvent un mystérieux enfant. Enjeu de tous les complots et de toutes les intrigues, de la Suède à la Turquie en passant par Londres et Paris, sa protection n'est pas une mince affaire...
On est sans doute plus aux confins du roman policier et du roman populaire que vraiment dans le roman de cape et d’épée mais quelques duels et bagarres rattachent ces romans au genre que nous présentons ici. « Dieudonné dut alors faire face, Pérols ricana, certain de sa victoire. Ils croisèrent, pointèrent, coupèrent et, après un semblant d'estocade, Pérols porta un coup qui fit voler l'épée de Dieudonné au loin. Les temps de la chevalerie étaient révolus, il n'était plus question d'offrir une seconde chance à l'ennemi. Pérols s'apprêtait à tuer. » Pour savoir comment Dieudonné se sort de cette situation périlleuse, une seule solution, plonger entre les pages.
Philippe Bouin, Les croix de paille, Viviane Hamy 2000, J'ai lu 2002.
La peste blonde, Viviane Hamy 2001, J'ai lu 2002.
L'enfant au masque, Éditions du Masque, 2003.



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Paru à titre posthume en 1962, d’Artagnan amoureux comble la période laissée vacante entre Les trois mousquetaires et Vingt ans après. D’Artagnan a pour mission de rapporter un Traité de paix universelle conçu par le Pape Urbain VII. A Saint-Tropez il délivre deux jeunes filles menacées d’enlèvement par les corsaires barbaresques : l’une d’elle s’appelle Marie de Rabutin-Chantal, futur Madame de Sévigné et il en tombe éperdument amoureux ; Marie, hélas éprouve des sentiments moins enflammés à l’égard de son sauveur. Désespéré, le mousquetaire entreprend de mourir à la bataille de Rocroy.
Entre temps, d’Artagnan fait tourner les cœurs de Julie et de Madeleine, se bat en duel, rencontre le Cardinal de Retz, Blaise Pascal, ainsi qu'un certain Pélisson de Pélissart, inventeur d'une machine volante qui atteint le soleil... tout en menant à bien sa mission.
Toutes ces aventures n’empêche pas Roger Nimier de nous faire découvrir un mousquetaire sentimental et mélancolique auquel Dumas ne nous avait guère habitués.
Roger Nimier, d’Artagnan amoureux ou cinq ans avant, Le Livre de Poche.




Aramis est le dernier survivant des quatre héros : ambassadeur d'Espagne, comblé d’honneurs et de richesses mais vieux, aveugle et solitaire, il vit cloîtré dans son palais de Saragosse. Il décide de dicter ses mémoires à une jeune orpheline, sa filleule Louise-Charlotte : il revient sur son enfance, ses années de formation, sa rencontre avec Athos et Porthos, sa passion pour les femmes, l’intrigue et le pouvoir. En même temps se noue entre le septuagénaire toujours séducteur et la jeune femme de seize ans très libertine, une passion intense et scandaleuse.
Sur le plus ambigu des mousquetaires, l’auteur nous offre un roman à la fois sombre et héroïque ; une méditation amère sur une vie pourtant pleine de succès que vient éclairer l’amitié avec les trois mousquetaires disparus et le souvenir des aventures vécues ensemble ; c’est aussi une histoire d’amour fort peu conventionnelle, charnelle et dangereuse, une histoire d’amour à mort. Mais il y a-t-il plus belle manière de se consumer ?
Jean-Pierre Dufreigne, Le dernier amour d’Aramis,
Grasset 1993 (Prix Interallié), Livre de poche 1994




Amédée Achard est né à Marseille en 1814. En 1838, il monte à Paris et il écrit d'abord des chroniques et des feuilletons dans les plus grands journaux de l'époque. Dès la parution de Belle-Rose, puis de La cape et l’épée et La toison d'or, sa réputation de romancier est assurée. Elle ira en augmentant, jusqu'à sa mort, à Paris, en 1875.
Les éditions Marabout ont republié tous les romans cités ici ainsi que Les coups d’épée de M. de la Guerche mais ces ouvrages ne sont plus disponibles.
En 1991, les éditions Phébus ont réédité Les coups d’épée de M. de la Guerche
ainsi que la suite,
Envers et contre tous.