Avec L'île au Trésor, Jean-Philippe Stassen et Sylvain Venayre offrent une adaptation originale et personnelle du roman de Stevenson. Le récit est transposé dans le monde contemporain, le jeune héros Jim Hawkins est remplacé par une jeune fille noire aux grands yeux nommée Jacquot, le fameux Long John Silver devient le Petit Jean Dargent, l'île devient un vaste chantier entouré de barricades au beau milieu d'une cité péri-urbaine, le trésor des pirates est ici une valise pleine de billets que la mafia souhaiterait bien pouvoir récupérer manu militari….

Malgré ces "petits" changements, la BD respecte la structure du récit de Stevenson (avec ses six chapitres) et la réflexion morale sur le sens du bien et du mal qui parcourait le roman original. La relecture philosophique du scénario se prolonge avec le travail du dessin qui met en scène le jeu des apparences : les ombres et les lumières déforment les silhouettes et le visage des personnages au gré des points de vue et des situations.

Cette dimension morale n'est pas étrangère aux thèmes des précédents albums de Stassen : la corruption des hommes, leur avidité, leur errances. Avec Déogratias (Aire Libre / Dupuis, 2000) ou Les enfants (Aire Libre / Dupuis, 2004), Jean-Philippe Stassen plantait un univers particulièrement violent au cœur du Rwanda où la cruauté et la folie des enfants répondaient à la violence, la brutalité et la bestialité des adultes.

Dans L'île au trésor, la simplicité du dessin de Stassen donne toujours autant l'impression d'une grande puissance. Les visages, figés comme des caricatures, sont toujours aussi expressifs. Les bleus pastel jetés dans de grands aplats lumineux, donnent aux scènes de nuit une beauté empruntée aux nabis. Les nuances de couleur et de lumière suggèrent les différentes phases du jour et de la nuit dans le huis clos qui se joue au milieu du chantier abandonné. Et l'on trouve une multitude d'étoiles scintillantes dans les flaques d'eau qui rappellent les cieux illuminés d'Afrique que Stassen sait si bien restituer.

Aurélien Dutier 
(22/06/12)