Alain Delambre est arrêté par le Raid et incarcéré. Ainsi commence le premier volume de cette nouvelle trilogie. Qui est Alain Delambre ? Pour quel délit est-il arrêté ? Pour quelles raisons a-t-il commis ce délit ? C’est ce que découvrons peu à peu au fil d’un scénario construit sur deux temporalités : le présent de sa vie en prison (pages en papier blanc) et le passé (pages sur papier ivoire) où l’on voit jusqu’à quelles extrémités le chômage et l’humiliation peuvent conduire un homme.

Autrefois, Alain Delambre était DRH dans une société qui a été prospère pendant une quinzaine d’années avant d’être laminée par la concurrence venue d’Asie avec des produits aux prix imbattables. « Quand tout va bien, on imagine l’avenir à long terme. On projette le fantasme d’une vie tranquille et prospère, une ligne droite sous le soleil. » Et quand arrive la lettre de licenciement, tout s’effondre.
Heureusement, ses filles sont maintenant adultes et indépendantes. Sa femme est compréhensive et consolante. Mais il a le sentiment d’avoir perdu à la fois son statut social et son statut familial. Après quatre ans de chômage, il accepte un petit boulot mal payé dont il pourrait se contenter si une scène humiliante ne le faisait pas sortir de ses gonds.
Mais ce n’est pas pour cela qu’il est en prison. Alors, pourquoi donc ?

C’est la tranche de passé suivante quoi nous rapproche de la nature du délit. Après son petit boulot, Alain Delambre a répondu à l’annonce d’une entreprise qui cherchait un assistant en Ressources Humaines sans beaucoup de précision sur la nature de la mission. C’est là qu’il met le doigt dans un engrenage redoutable. Il doit passer plusieurs épreuves de sélection et pour lui tous les moyens sont bons pour décrocher ce poste…

Dans les pages sur papier blanc, on le suit pendant son incarcération et l’on comprend peu à peu qu’il est allé très loin pour obtenir son job, qu’il est question d’armes et de prise d’otages, et que dehors, certains lui en veulent à mort… Heureusement, il n’est pas seul dans son aventure, il a su trouver des appuis : un collègue de travail, un surveillant, un autre détenu…

La construction en alternance passé/présent crée un suspense en ne révélant que peu à peu les motivations de ceux qui l’ont embauché, leur objectif réel, les moyens qu’ils ont mis en œuvre et le rôle d’Alain Delambre dans ce simulacre de recrutement.
Le scénario de Pascal Bertho, les dialogues et les récitatifs, permettent de suivre facilement et en parallèle les événements qu’Alain Delambre a vécus dans le passé et ceux (parfois violents ou menaçants) qui constituent sa vie en prison.

Le dessin de Giuseppe Loti est expressif et réaliste, les regards et les attitudes des personnages sont lourds de sens et toute une gamme de sentiments est très bien rendue par l’image.

Le roman de Pierre Lemaître, publié chez Calmann-Lévy en 2010 a été repris en Livre de Poche en 2011 et adapté en série télévisée (sous le titre Dérapages, avec Éric Cantona) en 2020. Le voici maintenant entré dans l’univers de la bande dessinée. Un beau parcours pour cette sombre histoire inspirée d’un vrai fait divers survenu en 2005 dans la régie publicitaire de France Télévisions où un séminaire de cadres a été l’objet d’une vraie-fausse prise d’otages dans un château des Yvelines. Maintenant, il faut attendre les deux prochains volumes de la trilogie pour connaître la suite et la fin de cette étrange histoire. À suivre…

Serge Cabrol 
(04/04/22)